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Actualités médicales, digitales et juridiques

Ce blog contient une série d'articles concernant l'actualité médicale, digitale ou juridique. Certains ont été rédigés par Olivier Normand, passionné de médecine, de droit et de digital.

Médecins, ingénieurs et scientifiques se mobilisent : le paraplégique remarchera au XXIe siècle

Médecins, ingénieurs et scientifiques se mobilisent : le paraplégique remarchera au XXIe siècle

La population paraplégique est estimée à environ 25 à 30.000 individus en France (et plus de 300.000 en Europe) et on dénombre environ 1000 à 1500 nouveaux cas par an dans l’hexagone. Il s’agit souvent de jeunes adultes (âge moyen de survenue du traumatisme : 33 ans, âge le plus fréquent : 19 ans) majoritairement de sexe masculin (80%).

La paraplégie est une paralysie, le plus souvent totale, des deux membres inférieurs dont l’origine provient d’une atteinte de la moelle épinière, ce tissu très fragile composé de millions de cellules nerveuses et qui chemine à l’intérieur de la colonne vertébrale, de la région cervicale jusqu’à la zone coccygienne, protégé par les vertèbres.

Le plus souvent, la lésion médullaire est d’origine traumatique (accident de la circulation, blessure sportive, chute grave, blessure par balles, etc… entrainant des lésions dorsales, lombaires et sacrées), mais les causes médicales sont nombreuses (maladies neurologiques, causes infectieuses, parasitaires, vasculaires, tumorales, hématomes, malformations, suites post-chirurgicales…)

Les conséquences pour le patient sont dramatiques car elles ont un retentissement important sur sa qualité de vie, sur le plan physique, social et professionnel : la perte de la motricité des jambes, obligeant à l’usage d’un fauteuil roulant, est bien connue, mais d’autres dysfonctionnements fonctionnels compliquent encore cette perte d’autonomie, moins connus et moins visibles mais tout autant handicapants (troubles uro-génitaux, vésico-sphinctériens, douleurs musculaires et neurologiques, problèmes dermatologiques, désordres intestinaux, troubles cardio-vasculaires, décalcification osseuse…)

Ainsi, depuis de très nombreuses décennies, plusieurs centaines d’équipes pluridisciplinaires, à travers le monde, conduisent des travaux de recherche technico-médicales en associant des médecins, des ingénieurs et des scientifiques aux spécialités très variées, avec des objectifs bien ciblés :

  • Mieux comprendre la lésion médullaire et son fonctionnement, pour limiter les lésions biochimiques secondaires au traumatisme initial, celles-ci provoquant dans certains cas bien plus de dégâts médullaires que l’incident initial
  • Travailler sur la réparation ou la régénération du tissu nerveux
  • Mettre au point des appareillages externes qui permettraient de recréer une mobilité neuro-pilotée des membres inférieurs, avec des équipements peu encombrants et compatibles avec une qualité de vie acceptable

Je me rappelle de nombreuses discussions que j’avais à l’époque avec un très grand nombre de médecins spécialistes ou d’ingénieurs biomédicaux, au début de ce siècle, qui pensaient que leurs patients recouvreraient « dans vingt ou trente ans » leurs facultés locomotrices. Nous y sommes presque !

Dans sa lettre N° 41 d’avril 2013 de l’IRME (Institut de Recherche sur la Moelle Epinière), le Dr. Patrick Gauthier (Laboratoire de Neurosciences Intégratives et Adaptatives de l’Université d'Aix-Marseille) publie un article révélateur. Il y rappelle qu'il y a plus de 30 ans le Pr Aguayo avait déjà démontré que les axones (ou fibres nerveuses) des neurones adultes ont bien une capacité de repousse de leurs prolongements après un traumatisme. Puis il poursuit en indiquant qu’ « une telle régénération (ou repousse) axonale des voies de conduction de la moelle épinière n'est pas spontanée » et que « cette absence de régénération spontanée […] n'est pas due à une incapacité intrinsèque des neurones à repousser leurs prolongements axonaux mais à un environnement déjà non favorable dans le cerveau et la moelle épinière adulte. » Il explique ensuite que, après un traumatisme médullaire, la situation devient encore plus défavorable à la repousse neuronale à cause de la formation d’une cicatrice gliale (formée de cellules appelées astrocytes) qui, si elles créent heureusement une barrière physique et chimique empêchant l’extension de la lésion médullaire, elle empêchera hélas ultérieurement la bonne reconstruction du tissu nerveux lésé. Le Dr Gauthier a alors démontré qu’il est possible de diminuer l’action chimique des cellules astrocytaires qui sécrètent une substance (la chondroitin-6-sulfate protéoglycane ou CSPG) par l’action d’une enzyme bactérienne spécifique (chondroitinase ABC) qui décompose le CSPG et permet d'obtenir une certaine repousse axonale à travers les cicatrices gliales. Un autre scientifique, le Dr Vivien, a également démontré que le traitement d’une lésion avec un activateur tissulaire plasminogène permettait de limiter la réponse astrocytaire.

Autre motif d’espoir pour la communauté scientifique et médicale, ainsi que pour les patients, la conférence de Grégoire Courtine et de Martin Schwab, deux spécialistes internationaux des problèmes de la moelle épinière, lors du congrès 2013 de l’IRME qui s’est tenu à l’Institut de Myologie sur le campus de la Pitié Salpetrière : les deux scientifiques y ont détaillé avec brio le contenu de leur dernière publication dans la revue Science de juin 2012. On y découvre qu’une action combinée sur les neurones de la moelle épinière, d’abord chimique (par des « agonistes de la monoamine », comme la dopamine, l’adrénaline et la sérotonine) puis électrique (avec des électrodes implantées sur l’espace péridural), permettait une très bonne récupération neuronale en cas de section incomplète de la moelle épinière (cas les plus fréquents). Le Dr Schwab a également présenté ses travaux qui donneront lieu à des résultats cliniques très rapidement : ce spécialiste de la repousse neuronale a démontré qu’en clonant une protéine membranaire de la famille « Nogo » qui empêche la croissance des nerfs, il a pu réaliser des anticorps qui bloquent cette protéine et favoriser ainsi la récupération du tissu lésé.

Le congrès 2014 de Barcelone a également apporté son lot de bonnes nouvelles : des radiologues ont imaginé la combinaison de l’IRM et de l’imagerie par transfert de magnétisation pour obtenir de très belles caractérisations de blessures médullaires.

Citons aussi le Dr Brunet et son « Homme virtuel », une remarquable modélisation biomécanique du traumatisme spinal qui permet de mieux en comprendre les différentes phases.

Enfin, signalons l’équipe du Dr Arvanian (New-York) qui a choisi de favoriser la remyélisation du nerf (la myéline est la gaine lipido-protidique qui entoure le nerf) pour améliorer sa conduction électrique, mais aussi plusieurs laboratoires (suisse, allemand ou japonais) qui travaillent sur l’injection de cellules souches neurales humaines (cellules nerveuses recréées à partir de cellules indifférenciées). Cette dernière technique semble assez prometteuse à cours terme, surtout qu’on a plus besoin d’embryon humain pour obtenir ces cellules, un simple échantillon de peau du patient peut suffire, depuis les travaux de 2006 du Professeur Shinya Yamanaka sur les cellules souches pluripotentes, qui lui ont valu le prix Nobel de médecine en 2012.

On peut encore citer le remarquable travail des britanniques de l’Université de Cambridge qui ont fait remarcher des chiens paraplégiques en utilisant leurs cellules gliales olfactives (prélevées dans leurs conduits nasaux), mises en culture et retransplantées sur leurs lésions spinales, faisant suite aux résultats positifs sur des rats obtenus à l’Institut des Neurosciences de Montpellier. Des essais sur l’homme suivront, mais devront être moins spectaculaires dans un premier temps.

Les ingénieurs biomédicaux sont également très actifs : Ekso Bionics, une société américaine financée en partie par le département américain de la Défense, propose un exosquelette développé par le laboratoire de robotique de l’Université de Berkeley en Californie. Harnachée de son armature de métal de 18 kgs, une paraplégique américaine de 20 ans a fait 336 pas en mars 2015 ! Le plus incroyable, c’est que la machine sait analyser les gestes de la personne pour comprendre ses intentions et fonctionne comme commandée par la pensée.

Les paraplégiques devront être encore patients, mais ils remarcheront. Les objets connectés et implantables, pilotés par smartphones arriveront vite et amélioreront encore les techniques, permettant la réhabilitation ou la substitution de leurs tissus spinaux endommagés.

Olivier NORMAND

www.cleona.fr

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